Cet article, en partenariat avec Pyramyd Formation, est le fruit d’un entretien avec Francis Chouquet, artiste de lettering et auteur du livre/manuel Les ateliers du lettering.
Bien souvent perçue comme une pratique « vintage » voire révolue, le lettering est bien souvent incompris. Pas exactement de la calligraphie et n’ayant pas les mêmes finalités que la typographie, il se situe quelque part entre ces deux pratiques. Il poursuit cependant le même but que ses deux cousins, ne faisant pas défaut à la célèbre maxime de Marshall McLuhan « the medium is the message ».
Le lettering, la loi de l’unique
Pour commencer sur de bonnes bases, il faut d’abord éclaircir un point important. Le lettering ne consiste en rien en la création d’un système typographique. Il ne consiste pas non plus en un art de l’écriture manuscrite comme l’est la calligraphie. Il s’apparente plus à la création de logo, à l’illustration et répond à un besoin spécifique de communication. Et cette réponse ne doit pas être atteignable avec une simple police de caractères. L’unicité du lettrage alors créé est adaptée à l’unicité du message qu’il fait passer. Le créateur de lettrage, tout comme le typographe, part donc du principe que les lettres ont un impact fort sur la perception du message, seule différence, le lettering est spécifique, là où la typographie est générale.
Du faste des années 1930 au déclin des années 1970
Le lettering est donc une technique à part entière du design graphique. Il prend d’ailleurs naissance, ou du moins dans sa forme moderne, pendant la révolution industrielle, au même moment que le graphisme. D’abord l’apanage des peintres en lettres, réalisateurs d’enseignes commerciales et de slogans publicitaires de grande envergure, la pratique se répand peu à peu aux affichistes et à la presse. Des mouvements artistiques ornementaux comme l’art nouveau et l’art déco auront également tendance à internationaliser la pratique. Peu populaire en France, où les typographes préfèrent se consacrer à la création de polices de caractères, elle l’est bien plus aux États-Unis. C’est d’ailleurs outre-Atlantique que son âge d’or aura lieu. Des années 1930 à 1970, le lettering y sera partout. Cette période faste où les slogans publicitaires se peignaient à même les murs, où pour vendre il fallait crier plus fort que son voisin, trouvera en le lettering un écrin adapté à cette communication. Ainsi, éclorera une multitude de styles de lettrages. Exubérants, ornementaux ou « casual », les créations de cette époque se caractérisent par une grande liberté esthétique, une richesse stylistique et un savoir-faire d’une grande qualité.
Porté par une généralisation de la pratique à des supports de communication plus diversifiés tels que les génériques de films ou les pochettes de disques, le lettering obtiendra ses lettres de noblesse grâce à des designers de renom. Saul Bass, Milton Glaser, Herb Lubalin ou Jim Flora s’y sont tous essayé avec succès. Cette période faste se terminera à la fin des années 1960 avec le déclin des polices scriptes et manuaires, le passage à la photocomposition et le triomphe quasi sans partage des fontes linéales.
Une résurrection portée par la technologie
Tombé peu à peu en désuétude, le lettering réapparait de nos jours, porté par les communautés Internet et les techniques numériques de créations graphiques. Bien que toujours très analogiques dans sa phase initiale, les techniques de vectorisation et plus récemment, les tablettes tactiles, permettent aux créateurs de lettrages de maîtriser avec précision toutes les étapes de leurs créations. Les nouveaux outils développés sur les logiciels de création graphique approchent également ce côté analogique, qui fait le charme du lettering. Ainsi facilitée, la pratique retrouve de sa superbe grâce à une nouvelle génération de créatrices et créateurs, tels que Jessica Hische, Martina Flor ou Ivan Castro internationalement. En France, Tyrsa s’est fait particulièrement remarqué pour ses créations aux Galeries Lafayette ou son travail pour le rappeur Childish Gambino. De manière générale, tous sont de véritables artisans de la lettre et respectent l’histoire du lettering, cet art de l’illustration typographique ornementale.
C’est son caractère unique qui fait que le lettering reste utilisé aujourd’hui. Dès lors que l’on cherche à affirmer une singularité par l’usage d’une ou plusieurs lettres, dans un titrage, une baseline ou un logo, il y a des chances pour qu’un artiste de lettering s’immisce dans le projet. Cette technique est d’ailleurs perçue par les designers comme une corde supplémentaire à leur arc de compétences. Ainsi, l’organisme de formation expert de la communication visuelle, Pyramyd, propose une formation d’une semaine en lettering, intégrée au sein de son cursus plus général dédié à la typographie. Ce workshop, animé par Francis Chouquet est ouvert à tous, dès lors que vous avez une certaine connaissance du graphisme, du dessin et d’Illustrator. Et bien entendu, vous devez absolument être amoureux des belles lettres !