Du fait de l’activité monacale qui y régnait, le monastère des Clarisses à Roubaix est resté inaccessible au public durant toute son existence. Mais après quinze années d’abandon, le bâtiment a bénéficié d’une réhabilitation en tiers lieu. Baptisé Saisons Zéro, il accueille désormais les expérimentations du collectif d’architectes Zerm, basées sur les principes de réemploi de matériaux et une démarche zéro-déchet. Pour la réalisation de l’identité visuelle et de la signalétique du lieu, le collectif a fait appel à Théo Poyer. Le graphiste s’est inspiré de la physionomie du monastère et des principes édictés par Zerm pour concevoir un logotype, une charte graphique et plusieurs éléments de signalétique.
Une identité visuelle abstraite et curieuse
Afin d’évoquer le lieu, de donner à voir sa richesse, sans pour autant tomber dans une quelconque nostalgie ou muséification, Théo Poyer s’est appuyé sur les éléments architecturaux caractéristiques du bâtiment, ainsi que sur l’aspect éphémère et expérimental du projet. Ses recherches l’ont mené vers un ensemble de formes abstraites, évoquant les arcs brisés ou en plein cintre emblématiques de l’architecture romane et gothique, que l’on retrouve partout dans le monastère des Clarisses. Ces formes se développent autour d’un logotype, deux yeux inspirés par la curiosité qu’a toujours suscité l’endroit auprès des habitants : “les yeux du logo reflètent cette idée, comme regarder par-dessus une barrière pour voir ce qui est caché derrière”, nous a précisé le graphiste.
Pour ce qui est de la typographie, le choix s’est porté sur la Neue Montreal Regular de la fonderie Pangram Pangram, une linéale proche de la Helvetica. Facilement manipulable, parfaitement lisible autant en titre qu’en texte, elle s’associe harmonieusement avec les différentes formes de la charte graphique. Côté couleur, Théo Poyer a opté pour des teintes jaune, rose et rouge orangé, gaies et attirant l’œil. À partir de cette charte, le graphiste a réalisé de nombreux gabarits d’affiches, de flyers, de documents de communication et plusieurs déclinaisons du logo.
Une signalétique interchangeable, pour mieux déambuler dans l’espace
La conception de la signalétique a été une autre paire de manches. En effet, plusieurs contraintes se sont imposés à Théo Poyer. La première est de taille. Conçu en 1874, le bâtiment est inscrit à la liste des monuments historiques. Les interventions lourdes et autres actions dénaturant le lieu étaient donc proscrites. Le monastère des Clarisses est également froid et humide, ce qui implique d’utiliser des matériaux et des systèmes de fixation adaptés à ces conditions. D’autant plus que pour coïncider avec les principes écologiques du lieu, ils devaient provenir de l’atelier de Saisons Zéro. Enfin, dernier obstacle : la circulation au sein du bâtiment. D’une taille de 6500m2, il a initialement été conçu pour isoler ses habitants du monde extérieur et n’a donc pas été pensé dans une optique de rentabilisation et d’efficacité des déplacements.
Mais toutes ces contraintes se sont finalement révélées êtres des atouts. Tout d’abord, l’histoire et la richesse architecturale du bâtiment ont constitué pour Théo Poyer une source d’inspiration. En effet, le graphiste a joué avec les spécificités architecturales du bâtiment, ses reliefs, angles et structures, pour créer et installer les différents éléments de signalétique. Ces derniers, des stickers muraux, des drapeaux pendus au plafond, des plaques de plexiglas, des chutes de PVC et de bois, sont recyclés et proviennent pour la plupart des ateliers de Saisons Zéro. Un processus inhabituel pour le designer : “c’était un travail intéressant car c’est parfois la disponibilité et la forme de ces chutes qui orientaient le design final. Ce processus est complètement différent du processus habituel où le designer dessine son projet et l’envoi en réalisation, sans se soucier des chutes produites. Ici, c’est le matériau qui dirigeait le design et demandait une plus grande capacité d’adaptation”.
La contrainte de circulation dans le lieu à quant à elle nécessité l’intervention d’un spécialiste du wayfinding, le studio lyonnais Supernova. À partir des données récoltées par Supernova, Théo Poyer et les équipes des Saisons Zéro ont déterminé plusieurs parcours : un pour le public, un pour les locataires du lieu et un autre pour l’équipe interne. Cependant, devant le caractère expérimental et éphémère du projet, la fonction donnée à chaque salle est vouée à évoluer. Ainsi, la signalétique identifie les différents espace de façon très terre-à-terre. Des panneaux et des rappels de peinture jaune définissent les zones principales (Halle, Chapelle, Cloître, portail d’entrée, entrée de l’auberge), et les salles publiques sont simplement numérotées ou identifiées par des stickers. Des drapeaux suspendus, situés aux zones de croisement de flux, permettent également aux usagers de se repérer. Pour les locataires des bureaux, des plaques de plexiglass aimantées sont disposées à chaque entrées afin d’indiquer le nom de l’entreprise qui s’y trouve. Grâce à des aimants fixés au mur, elles peuvent facilement être modifiées si une entreprise change de bureau.
→ saisonszero.fr
→ Théo Poyer sur Behance
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