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mardi 3 décembre 2024
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The Foundry, centre d’art expérimental aux installations monumentales

Créé par l’artiste russe Andrei Molodkin, le centre d’art expérimental “The Foundry” est situé à Maubourguet dans les Hautes-Pyrénées. L’ancienne fonderie Louis Fabre rénovée est devenue une résidence d’artistes aux œuvres questionnant les structures de pouvoir et de contrôle. Andrei Molodkin est soutenu par la fondation londonienne a/political qui accompagne des artistes engagés aux projets ambitieux. Installations typographiques géantes et toiles graphiques interrogeant notamment le langage de propagande prennent place dans ce lieu.

The Foundry, centre d’art expérimental…

Rachetée en 2015 par l’artiste russe Andrei Molodkin, l’ancienne fonderie Louis Fabre située à Maubourguet dans le département des Hautes-Pyrénées, a été transformée en un centre d’art expérimental. Rebaptisé “The Foundry”, le lieu accueille en résidence des artistes du monde entier dont les projets questionnent systèmes de pouvoir, de contrôle et gouvernements. Le bâtiment rénové, d’une superficie de 4500 mètres carrés, a conservé son allure industrielle conférée par ses structures en métal et ses poutres en bois.

…creuset d’œuvres typographiques monumentales

À l’entrée du bâtiment, positionnée sur la façade, se trouve une installation créée par l’artiste sud-africain Kendell Geers. Elle est composée de lettres en majuscules faites de néon rouge et formant le mot “Slaughter”. La lettre “S” clignote, de façon à ce que l’on lise de manière alternée, le mot “Laughter”. Né en 1968 et originaire d’Afrique du Sud, Kendell Geers quitte le pays après avoir refusé de faire son service militaire. Militant anti-apartheid, il interroge dans son travail artistique les liens entre l’art conceptuel et les enjeux sociaux et politiques. Il questionne la violence et cherche à subvertir le langage du pouvoir en jouant notamment avec les mots.

Dans le premier espace au rez-de-chaussée, une installation monumentale du Russe Erik Bulatov se déploie. La sculpture est faite de grandes lettres en métal dont les faces avant et arrière sont noires, tandis que celles latérales sont rouges. Elles composent en russe la phrase, ironique, “Tout n’est pas si effrayant”. Sa signification est immédiatement contredite par le gigantisme de la structure. Le conceptualiste moscovite, né en 1933 d’un père responsable du Parti communiste de l’Union soviétique, interroge le langage du pouvoir comme instrument de contrôle.

Inspiré par l’avant-garde du XXe siècle et notamment le constructivisme, Erik Bulatov réalise aussi des toiles graphiques de grand format. Il use de jeux spatiaux typographiques et questionne l’influence visuelle des mots et l’art de propagande communiste. Sur l’une de ses toiles, est peint deux fois en blanc sur fond rouge, sur la diagonale ascendante et celle descendante, l’injonction “EXIT” en capitales. Le jeu de composition, s’appuyant sur les lignes de fuite, crée un effet de profondeur. Le placement central de l’expression populaire russe “НACPATь”, signifiant “chier sur”, perturbe cet appel illusoire à plonger dans l’espace du tableau. “À l’époque où nous vivons, notre conscience collective est massivement manipulée par nos leaders politiques et par les médias. […] Et en ce qui concerne les manipulations et les appels qui viennent de l’extérieur, il faut ne leur prêter aucune attention… d’où l’expression ‘НACPATь’” précise Erik Bulatov. À l’extérieur, l’on retrouve la sculpture en lettres Forward créée par l’artiste pour la commémoration du centenaire de la révolution russe de 1917. Celle-ci avait été exposée en 2017 sur la terrasse du Tate Modern.

Détourner le langage de la propagande

Le fondateur de The Foundry, Andrei Molodkin, est diplômé en architecture et design de l’Institut Stroganov de Moscou. Il réalise son service militaire en Russie entre 1985 et 1987 dans un bataillon chargé du transport du pétrole en Sibérie. Dans son travail artistique, le sang et le pétrole sont deux liquides qu’il utilise pour symboliser le pouvoir. Dans l’ancienne fonderie, se trouvent plusieurs de ses créations, dont l’installation créée en 2019 nommée “Democracy”. Des lettres formant ce mot, reliées par des tuyaux, se remplissent de pétrole grâce à une pompe. Accroché au mur, le même mot en néon blanc se répète. “La manière dont se déploie mon travail peut être comparée au mythe des Gorgones. Je réutilise le langage du pouvoir pour mieux présenter à ce dernier son propre reflet et par là même, le déconstruire” précise Andrei Molodkin. “Les slogans et les typographies fortes permettent de parler à tout le monde et la répétition d’une même expression est un empreint aux codes de la propagande, pour mieux interroger le procédé” ajoute-t-il. “Dans ce lieu en France, The Foundry, je peux créer sans être censuré” affirme-t-il. Andrei Molodkin a aussi acquis les bâtiments des anciens thermes, La Raillère, situés dans la vallée de Cauterets des Pyrénées. Il ambitionne de les transformer en un autre centre d’art expérimental.

L’artiste est soutenu par la fondation a/political dirigée par Becky Haghpanah-Shirwan et spécialisée dans l’aide aux artistes engagés. Celle-ci a été créée en 2013 par l’investisseur d’origine russe Andrei Tretyakov de Bluewire Capital, fond de capital-risque basé à Londres. Pour Sylwia Serafinowicz, commissaire de la fondation, “a/political soutient des artistes au travail interrogeant le politique et le social” et dont les voix peuvent donc être silenciées par les gouvernements et le pouvoir. La fondation accompagne des artistes dans la production de leurs œuvres. Elle participe aussi à organiser des expositions, comme à la galerie Rue Red à Dublin en 2017au BPS22, musée d’art de la Province de Hainaut en 2018, ou encore au Station Museum au Texas en 2019.

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Isaline Dupond Jacquemart

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