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mardi 3 décembre 2024
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MOG : Rencontre avec Marie Paccou et l’ombrellotrope

Lors de la sélection des exposants, suite à l’appel à candidatures lancé il y a quelques semaines, certains profils nous ont marqué par l’originalité de leur projet. C’est le cas du concept de Marie, l’ombrellotrope. étapes : lui a alors posé quelques questions pour vous faire patienter jusqu’à notre événement des 14 et 15 septembre prochains.

AS : Parle nous de la genèse de ton projet artistique ? Comment en es tu arrivé.e là ? Comment as-tu choisi le nom de ton entreprise ?
MP : Je suis artiste sous mon nom de famille, Marie Paccou. Mes parents n’étaient pas artistes, ni vraiment aucun membre de ma famille, alors je tiens à me faire un nom. Mon site internet est mariepaccou.com La marque « ombrellotrope » en revanche, je l’ai déposée en 2022. Le mot commençait, grâce au hashtag #ombrellotrope, à essaimer sur les réseaux.
Il est formé avec « trope » un suffixe grec, qui signifie tourner ou aller vers. Et ombrelle, qu’on ne présente plus, et qui a l’avantage d’être compris des anglosaxons. Il y a toute une famille de jouets optiques avec le suffixe TROPE: à commencer par le ZOOTROPE, ce jouet du pré-cinéma, un cylindre percé de fentes, dans lequel on place un ruban de dessins animés, et en regardant à travers les fentes on voit l’animation. Mais plus récemment, et à la faveur des réseaux sociaux qui valorisent les courtes vidéos, on a vu apparaître les arrière-petits-enfants du zootrope du 19e, notamment le PHONOTROPE. Le phonotrope, c’est un disque d’animation, destiné à tourner sur une platine vynil. Contrairement à ce qu’on peut supposer, ça ne fait pas de son, mais de très jolies images. Et c’est calibré pour les caméras, l’obturation n’est pas mécanique comme les fentes du zootrope traditionnel, mais technologique. Récemment un groupe de techno, TETRIPS, m’a commandé 4 dessins zootropiques, pour la ré-édition de leur morceau culte: mes dessins seront imprimés sur une feuille, par dessus laquelle on pressera les sillons musicaux dans un matériau transparent, résultat ça va faire à la fois du son et de l’image, ça devrait être un très beau double 33 tours, vendu dans une pochette gatefold.
Avant de créer l’ombrellotrope, j’ai d’abord dessiné des phonotropes, c’est juste que mes phonotropes à moi tournent sur des 78 tours récupérés avant décharge, et sont dessinés sur des assiettes en cartons, aussi je leur ai donné le nom de « kitchenotropes ». J’en ai dessiné plus d’une centaine, avant d’avoir l’idée d’un projet plus commercial, aka l’ombrellotrope. Cette idée, je l’ai eue alors que le confinement me bloquait chez moi, et que le slogan « restez chez vous » me hérissait le poil au plus haut point. En quelque sorte, l’ombrellotrope, ça dit « sortez dehors! »
Au marché des objets graphiques, je ne présente que les ombrellotropes, parce que c’est l’objet graphique parfait, mais comme artiste, j’ai d’autres activités, conférences, installations, et je gère les droits de mes court-métrages.

AS : Tu as créé un véritable concept, parle nous en plus en détail et parle nous de la réaction des gens quand ils le découvrent
MP : L’ombrellotrope est une ombrelle ou un parapluie, qui permet de créer une magnifique animation quand on la fait tourner devant n’importe quel téléphone. C’est simplement basé sur la fréquence d’obturation de la caméra (par défaut 30 photos par seconde). Je l’ai breveté en octobre 2020, le brevet est paru au J.O. en mai 2022.
Alors honnêtement, la réaction des gens, c’est « wow », mais c’est rapidement suivi par « pourquoi on voit pas à l’oeil nu? » Ce qui fait, que vendre des ombrellotropes, c’est voir le sourire des utilisateurs, mais ça consiste aussi beaucoup à faire la pédagogie de l’optique et du fonctionnement des caméras. C’est un peu répétitif, car en ce qui me concerne, je fais du dessin animé depuis 35 ans, donc le fonctionnement d’une caméra, je connais. Mais je crois ce rabâchage utile et même citoyen: maintenant que tout le monde a une caméra dans sa poche, il faudrait que tout le monde sache s’en servir.


AS : Quelles sont tes principales inspirations ?

MP : Alors bien sûr tout le pré-cinéma, à commencer par le belge Joseph Plateau (https://www.cinematheque.fr/fr/catalogues/appareils/collection/phenakistiscope-disque-de-ap-94-218.html)Mais s’il y a beaucoup d’intelligence à y puiser, le style et les motifs datent… pour le style, je suis influencée par l’animation contemporaine, surtout celle des réseaux sociaux dont je suis grande consommatrice: dusty deen (https://www.instagram.com/dustydeen/), ruff mercy (https://www.instagram.com/ruffmercy/) mais aussi mes consoeurs Jodie Mack et Lizzy Hobbs.

AS : Quelles techniques et matériaux privilégies-tu ?

MP : Les uniques, je les dessine au marqueur permanent. Ma technique d’animation, c’est le straight-forward, et c’est drôle car c’est la technique instinctive des débutants, moi il m’a fallu 35 ans d’animation pour y revenir. Animer straight forward, c’est avancer dessin après dessin, sans préparer d’étapes dans le mouvement (les keyposes ou pauses-clés). Dans mon cas, il y a sur chaque ombrellotrope environ 24 dessins d’animation à réaliser, et le challenge, c’est quand il faut retomber sur le premier dessin, créer un loop, un cycle d’animation. A partir du 15e dessin environ, il faut commencer à anticiper, pour que le raccord soit net et sans bavures. Le marqueur permanent, c’est un choix pour que le dessin soit le plus résistant possible au soleil, (et en plus ça traverse le papier et j’adore cette translucidité), mais ça s’inscrit aussi dans la même démarche que le straight-forward, il n’y a pas de repentir possible, quand il faut y aller, il faut y aller.
Les imprimés, je les dessine aussi à la main, sur feuilles canson raisin, mais avec d’autres marqueurs, posca notamment. Je fais attention à avoir des visuels lisibles, avec de bons contrastes: la lisibilité en mouvement est à ce prix, surtout quand la rotation est manuelle, donc instable. J’aime autant les motifs abstraits que figuratifs.
J’ai eu la chance de débuter dans l’animation dans les années 90, avant que toute l’industrie soit complètement numérique, donc j’ai dans les doigts ce savoir-faire que j’ai préservé contre vents et marées. Je ne crache pas sur les virtuoses de la tablette graphique, mais je sais que, sans la capacité de remplir à moi seule d’animation mon tout premier prototype d’ombrellotrope, jamais je n’aurais pu l’inventer. Aurais-je travaillé sur cintiq, j’aurais abouti à un fichier numérique, que je n’aurais pu tranférer seule sur parapluie.


AS : Comment vois tu tes créations s’intégrer dans le quotidien de tes clients ?

MP : Je vois ça à distance, les clients m’envoient des photos ou des vidéos. Il y a un conteur normand qui utilise l’ombrellotrope qu’il m’a commandée dans ses spectacles plein air. J’apprécie aussi les clientes qui font tourner leurs ombrellotropes, un peu timidement au début, puis avec plus d’assurance, et m’envoient leurs vidéos, et ce qui est intéressant c’est qu’elles y impliquent aussi un « caméraman ». On peut penser que l’ombrelle est genrée, en France en tout cas elle s’adresse aux femmes, mais pour l’ombrellotrope elle est un trait d’union entre les genres, je crois, grâce à l’implication de la technologie du smartphone. Enfin, il y a les clients « archivistes » qui accrochent leur ombrellotrope bien à l’abri dans leur salon, parfois même au-dessus de leur lit: ces clients-là, j’aimerais en avoir moins, c’est comme s’ils coupaient les ailes de l’objet, mais bien sûr il m’en faut quelques-uns, et j’ai moi-même encouragé une démarche de collection, en numérotant et signant chaque exemplaire de la première édition. A propos d’archivage, j’ai envoyé dès que ça a été possible deux ombrellotropes dessinées à la main à Kiev, à la représentante du festival Krok, parce que je vois mes ombrellotropes comme des cinémas de survie, et des boucliers symboliques: ces deux ombrellotropes sont conservées dans la maison du cinéma de Kiev.
Enfin, une ombrellotrope, c’est aussi une ombrelle, de quoi se protéger du soleil, un accessoire qui se déploie pour donner à son utilisatrice de la place, de la prestance: mes clientes sont de fortes personnalités qui savent revendiquer cet espace, et qui contrent le réchauffement climatique avec autant d’élégance que d’espièglerie, je crois que cette réaction aux difficultés, c’est la définition de l’esprit français.


AS : Quelles pièces incontournables doivent voir les visiteurs du MOG sur ton stand en septembre ?
MP : J’ai envie de commencer par les moins onéreuses, la dernière édition sur toit nylon, qui allie solidité et légèreté, il y a deux designs, tous deux très élégants, l’un avec des poissons bleus sur fond blanc, qui nagent joliment vers le centre, le deuxième un peu impressionniste et fleuri, très printanier, mais avec un peu de peps tout de même, et qui viendra avec une housse en coton assortie. L’idée c’est qu’on puisse les porter, parce que plus les ombrellotropes sortent du salon, plus elles tournent, plus elles sont utiles. Pour toutes mes éditions, j’ai travaillé avec une petite entreprise du Hunan, j’adore les ombrelles traditionnelles chinoises, elles tournent merveilleusement bien, en plus d’être les héritières d’une respectable tradition.
L’autre édition à ne pas louper, c’est la première sur papier de riz huilé, tout en matériau renouvelable, axe en bambou, fil de coton, une petite merveille de savoir-faire. On a pu la voir à la librairie de la halle saint-pierre, chaque exemplaire est numéroté et signé, adjoint d’un label fait-maison: il reste des exemplaires dans les dessins suivants, arc-en-ciel géométrique, pas de l’oie, hommes d’affaires, et admirateurs de soucoupes volantes. Toutes à 39 euros, sauf pas de l’oie qui est en solde! L’occasion d’avoir enfin une armée obéissante à votre botte.
Enfin, je vais bien sûr amener quelques pièces uniques. Demandez-moi de vous faire tourner celle « de la révolution », elle a été de toutes mes manifestations, elle synthétise mes revendications, est inspirée d’une apocalypse de Beaune, les horribles capitalistes finissent dans les flammes de l’enfer pendant que le peuple danse. Mais je ne la vendrai sous aucun prétexte.

Retrouvez Marie Paccou et son concept unique au MOG ! Merci Marie.

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