Amandine Urruty déploie son décorum baroque

L’univers de l’artiste Amandine Urruty est peuplé d’objets hétéroclites et de figures hyperréalistes souvent masquées, parfois affublées d’un museau de chien. Les éditions Cernunnos publient une monographie du travail de cette artiste. Née en 1982, elle travaille le dessin telles des compositions photographiques hantées par un imaginaire baroque et grotesque. La galerie Arts Factory lui dédiait une exposition qui s’est achevée en février dernier. Plongée dans un monde de fusain et de mine de plomb imprégné de références pop et surréalistes.

Couverture de la monographie “Made in the Dark, tout l’art d’Amandine Urruty”, éditions cernunnos. 296 pages. Préface de Pacôme Thiellement, contributions de Philippe Katerine, Stéphane Blanquet, Thomas Bernard, David Cantolla, et une interview de l’artiste réalisée par la journaliste et critique Élodie Cabrera.


Dans la chambre noire


D’abord emplis de couleurs, les dessins d’Amandine Urruty se parent de dégradés de gris, d’ombres et de drapés habillés de plis. Après une formation en arts plastiques suivie à Toulouse et un début de thèse en esthétique, l’artiste se consacre rapidement au dessin. Attachée à déployer une pratique de la composition proche de celle de la photographie, Amandine Urruty se réapproprie la figure classique du portrait, avec un trait hyperréaliste. Publiée aux éditions Cernunnos, la monographie “Made in the dark” retrace les quinze ans d’évolution de son monde presque spectral “qui fait corps avec sa reproduction, un monde plat et figé et même violemment en arrêt, où les vivants ne se distinguent plus des morts” affirme l’essayiste Pacôme Thiellement dans la préface de la monographie. La technique de l’artiste s’affine et se complexifie au fil des années : crayon gris, crayons de couleur noirs, crayons en fusain reconstitué, poudre de graphiste et de fusain, etc., son panel d’outils prolifère et son travail des nuances de la peau et des drapés presque ectoplasmiques rappelle une esthétique picturale.

Amandine Urruty. Pieces Triptych
120 x 240 cm – graphite et fusain sur papier – 2020


Conjurer le cauchemar de la réalité


Dans ses différentes compositions, chaque protagoniste pose, immobile, comme sur une vieille photographie. Petites filles, peluches vivantes, personnages de dessins animés, masques de films d’horreur…, le panel de l’artiste croît et les différentes figures reviennent de manière presque obsessionnelle dans ses dessins. “Je déteste le vide. J’ai besoin de remplir la surface, sans quoi, l’œuvre ne me semble pas achevée” affirme l’artiste. Amandine Urruty ressuscite aussi les jouets de son enfance et puise dans ses souvenirs pour peupler son univers d’objets hétéroclites : maison de poupée, échelle, escalier, bocaux, saucisses et châteaux… Réveillant les terreurs enfantines, son décorum est baroque et les costumes de ses personnages, grotesques. De plus en plus inspirée par l’imaginaire de la famille et notamment de la photographie de famille, Amandine Urruty renouvelle le motif de la représentation du couple, symbole de réussite sociale, dont l’apparente normalité devient de plus en plus inquiétante.

Amandine Urruty. The Governor
80 x 120 cm – graphite et fusain sur papier – 2022


Saccager la perfection


Maîtrisant la technique du dessin académique, Amandine Urruty cherche pourtant à “saccager la perfection” selon ses propres termes. Déformations des corps, multiplication des plans, dramatisation des lumières…, l’artiste introduit une inquiétante étrangeté rompant avec un réalisme frontal. Inspirée par Lewis Carrol, Stephen King, Jérôme Zonder, Les Crados ou encore Jérôme Bosch, elle insère dans ses travaux des références pop et surréalistes. Elle met ainsi sa technique du dessin au service d’un univers empli de monstres, de folklore, de kitsch et du camp, le non-noble pervertissant ainsi toute forme de constitution d’un art majeur.

“Made in the Dark, tout l’art d’Amandine Urruty”, éditions Cernunnos – 44,95€. 296 pages – format : 28,7 x 21,8 cm. Préface de Pacôme Thiellement, contributions de Philippe Katerine, Stéphane Blanquet, Thomas Bernard, David Cantolla, co-fondateur de la Collection d’Art Solo à Madrid et une interview de l’artiste réalisée par la journaliste et critique Élodie Cabrera.

Amandine Urruty. The Crash
70 x 100 cm – graphite et fusain sur papier – 2021
Amandine Urruty. Doggo
40 x 30 cm – graphite et fusain sur papier – 2022
Amandine Urruty. The Model II
diptyque 2 x 120 x 80 cm – graphite et fusain sur papier – 2022
Amandine Urruty. The Model I
diptyque 2 x 120 x 80 cm – graphite et fusain sur papier – 2022
Amandine Urruty. Vampire
40 x 30 cm – graphite et fusain sur papier – 2022
Amandine Urruty. Maintenant
70 x 50 cm – graphite et fusain sur papier – 2022
Amandine Urruty. Family
100 x 70 cm – graphite et fusain sur papier – 2022

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