Sous la houlette du designer Guillaumit, le Carnaval des Deux Rives de Bordeaux s’est transformé cette année en une joyeuse fête entre le monde tangible et la réalité augmentée. Une première pour l’événement et un subtil moyen de démystifier la technologie en lui apportant une note ludique et colorée.
Véritable touche-à-tout, Guillaumit se motive toujours pour de nouvelles expériences et tente systématiquement de croiser les disciplines, de créer des ponts entre l’illustration et le code informatique, le déploiement dans l’espace physique et digital. En prenant la direction artistique du Carnaval pour 3 ans, l’opportunité lui a été donnée de renouveler le format de la manifestation, d’associer à sa manière les nouveaux médias à l’engouement populaire.
L’application de ce travail adopte plusieurs formes, du déploiement d’une affiche animée, à la création de costumes augmentés ou encore la parade de chars interactifs. Et pour la réalisation de nombreux acteurs locaux ont été impliqués, avec notamment la participation des étudiants de l’ECV, des workshops animés dans des centres d’animations. Quelques semaines après le carnaval, Guillaumit lève le masque sur sa démarche.
Pourquoi avoir choisi d’intégrer la réalité augmentée au carnaval ?
Quand on m’a proposé la direction artistique de cet événement populaire traditionnel, je me suis demandé ce que je pouvais proposer de pertinent en 2018. Historiquement le carnaval annonce la saison nouvelle avec la fin de l’hiver. Imaginer un carnaval axé sur le numérique, c’est réfléchir et jouer avec les peurs et la fascination d’un monde nouveau qui advient.
En observant le public lors d’événements dans la rue ou en salle de spectacle, nous voyons de nombreux utilisateurs de téléphones acharnés, à tout moment, partout, tout le temps. Cela peut agacer, mais c’est un fait. Je suis donc parti de cette situation pour imaginer tout un travail original de réalité augmentée créé spécialement pour le carnaval 2018.
Le téléphone permet une lecture augmentée de l’événement, comment le dispositif mis en place permet au spectateur d’avoir une démarche active ?
Le carnaval devait être beau et intéressant sans l’appli, la réalité augmentée est une possibilité de plus que nous avons proposé parmi plein de propositions.
Il y a plusieurs niveaux d’implication des spectateurs. Certains viennent déguisés, d’autres non. La possibilité de télécharger gratuitement cette appli, de voir tous les supports de communication en RA dans la ville 1 mois avant et de découvrir plein de surprises lors du défilé permet à tous d’avoir plus d’interactions et d’activités en lien avec le projet carnaval.
Le public ne fait plus seulement une photo, mais découvre des surprises animées, des sens seconds et des animations sur des costumes et des chars.
Quelle forme de narration avez-vous cherché à mettre en place ?
Nous avons travaillé par projets, en collaboration avec les diverses compagnies présentes sur le carnaval. Pour les danseurs antillais nous avons créé un diable tout en 3D à leur demande car le diable est une référence majeure dans leur démarche, je me suis donc appliqué à le rendre actuel et digital.
Pour la parade hip-hop, nous avons travaillé sur des gros médaillons imprimés qui faisaient un lien entre hip-hop et effets spéciaux de jeux vidéos.
Souvent la réalité augmentée permet de donner vie à des personnages, de développer des expressions, des effets spéciaux …
Pour l’affiche la réalité augmentée fonctionne comme une suite : le poster présente un personnage sérieux qui s’apprête à se masquer. La réalité augmentée donne à voir la suite, le personnage masqué est vraiment transformé, et se lance dans une danse frénétique.
Que retenez-vous de cette expérience ? De la confrontation d’une technologie à un évènement convivial et populaire ?
La parade a été un beau succès, avec beaucoup de monde partout. Nous avons été confrontés à certaines réticences au début, mais quand l’appli a été disponible sur les stores un mois avant, la dynamique a super bien fonctionné.
Nous avons réussi a réunir les populations sur des sujets actuels et nouveaux en utilisant les codes traditionnels du carnaval : créations, extravagances, peurs, projets co-construits, échanges, fêtes, pratiques disruptives …
Je retiens aussi les nombreux ateliers en amont du carnaval avec les petits débrouillards pour que les enfants découvrent le code informatique. Un workshop DIY très ambitieux avec les étudiants de l’ECV et Antonin Fourneau (collectif Eniarof) pour des costumes incroyables, l’aide précieuse du Fab Lab de Cap Sciences aussi…
Nous avons montré les étapes de fabrication d’une application aux enfants, expliqué et créé des éléments avec de nombreux intervenants très différents. Ce genre de transversalité entre des publics n’est pas possible si souvent. C’est une des grandes forces du carnaval.
Par Charles Loyer
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