Designer ? Oui, mais lequel ?
Tous à bac +5 ? La durée des études s’allonge et celles de design n’échappent pas à la règle. Les ouvertures de post-diplômes se multiplient, voyant fleurir des spécialisations auxquelles, hier encore, le niveau « DNSEP » ou de master semblait apporter une réponse satisfaisante. Il allait alors de soi que l’expérience professionnelle qui suivrait comblerait la formation générique par des compétences spécifiques. Mais dans un marché saturé, compétitif, et face à la volonté croissante des designers d’exercer en indépendant ou dans de toutes petites structures, le gouffre qui sépare le temps des études de l’exercice professionnel devient vertigineux. Et si seule une poignée d’étudiants se permet le luxe d’une ou deux années supplémentaires, on voit aussi des graphistes, rompus à plusieurs années de pratique, retourner à l’apprentissage, prendre une année pour se ressourcer, dès lors qu’ils disposent d’économies suffisantes ou obtiennent un prêt bancaire. Trouver une orientation plus en adéquation avec ses envies, combler sa curiosité, ou juste « faire une pause », les options sont innombrables, mais la qualité de cette expérience personnelle qui ne nécessite aucune rentabilité ne trouve pas toujours d’écho futur dans un projet professionnel. Les designers sont des éclaireurs. Leurs idéaux, pourvu qu’ils s’y accrochent et que ces derniers soient susceptibles de s’inscrire dans un projet de société plus vaste, sont des lanternes qui révèlent – par des images, des objets – des futurs hypothétiques. Le temps de l’expérimentation devrait faire partie de leur quotidien et non prendre fin avec leurs études. Quand la pression du marché incite à une production rapide, peu coûteuse et déconnectée des besoins profonds de la société, leurs projets de recherche regardent vers l’exigence graphique, interrogent le temps qui passe, la finitude, les rapports entre l’être humain et la nature, l’évasion… Avec quarante projets de diplômes, ce numéro oscille entre inquiétudes et idéaux, questions et réponses à ce que pourrait être la profession de designer… bientôt.
Par Caroline Bouige.
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