Partout la presse magazine fait face à un défi de taille : comment attirer un lectorat jeune détourné des supports traditionnels ? Pour ce faire, La Fábrica, magazine culturel espagnol, a défié les étudiants de l’Undergraduate Degree in Graphic Design de l’IED Barcelona, Daniela Rosselli et Jesús Lorente, d’imaginer une nouvelle formule du magazine. Malgré un même brief, les deux étudiants montrent deux personnalités artistiques affirmées, témoins de la pédagogie à l’œuvre dans l’école espagnole.
En partenariat avec IED Barcelona
L’Undergraduate Degree en Design Graphique prépare les étudiants à concevoir et à programmer des solutions de communication visuelle sur une large diversité de supports, dans les domaines du branding, de la publicité, du design éditorial, de la signalétique, de l’interface web et dans d’autres disciplines impliquant les innovations technologiques.

Quelle stratégie de contenus avez-vous choisi pour répondre au brief de La Fabrica ?
D.R : J’ai invité sept jeunes créatifs provenant d’environnements culturels différents, à réfléchir à un concept spécifique (« Le Silence » pour cette première édition). Cela m’a permis de traiter la culture selon des points de vue croisés et de mettre en avant sa valeur rituelle. « Discordia » inclut des illustrations, des photographies, de la poésie et les idées et les opinions de chaque artiste sont mises en avant. Elle matérialise le besoin d’interrompre l’automatisation de la culture et par conséquent, expose des jeunes créatifs qui mettent en question ces sujets dans leurs travaux.
J.L : J’ai découvert que les jeunes créatifs souhaitaient principalement partager leurs idées, leurs projets et leurs processus afin de créer une communauté de jeunes représentative de toutes les disciplines créatives. J’ai donc décidé que le contenu soit généré par le lecteur lui-même. La Fabrica sélectionne ensuite ceux qui apparaitront dans la publication.

Du point de vue de la direction artistique, comment pensez-vous que l’on puisse s’adresser à la jeunesse aujourd’hui, dans le cadre d’un magazine papier ?
D.R : D’après mes recherches, les jeunes préfèrent souvent une information libre et gratuite. J’ai donc voulu un contenu qui soit inhérent au print afin de justifier sa potentielle valeur ajoutée. J’ai utilisé des images et des textes pour contrôler le temps et les rythmes de lecture et ainsi influencer la façon dont le lecteur appréhende l’information. J’ai expérimenté les dispositifs de lecture dans tout ce qu’ils impliquent comme actions. Je me suis ainsi adressée aux jeunes en leur offrant un moment qu’ils ne pourront pas remplacer avec un écran.
J.L : L’apparence et le format du magazine sont les points principaux. « Duende » inclut des intercalaires sur le côté droit qui organisent les différents projets montrés dans le numéro, en plus de lui donner la forme d’un « document de travail ». Il contient aussi des tickets pour des évènements et donne accès à des contenus web. Permettre aux lecteurs de participer au magazine est aussi une raison qui les motive à continuer à le lire et le suivre.

Droite : Jesús Lorente – DUENDE
Toujours du point de vue de la direction artistique, comment vos études vous ont elles préparé à expérimenter l’objet éditorial ?
D.R : Elles m’ont fait comprendre le design comme un sujet social. Il faut étudier son contexte, sa cible, etc. J’ai appris à prendre des risques, questionner chaque étape du processus et passer au-dessus des évidences. J’ai été préparée à traduire la théorie en un langage visuel détaillé et à reconnaitre que dans le design il n’y a pas de décisions hasardeuses. Le design est un sujet itératif qui peut être sans cesse révisé.
J.L : Ce qui m’a été le plus utile a été d’apprendre à penser la direction artistique en fonction de l’histoire de l’art et du design. Les références et exemples donnés par mes professeurs m’ont été précieuses.

Quels choix graphiques avez-vous fait ?
D.R : Le principal objectif de « Discordia » était de contrer la consommation et la production mécanique de contenus culturels et questionner son appréciation inconsciente. J’ai alors inclus des collaborateurs qui travaillaient le stop-motion, l’illustration ou la photographie analogique. Le magazine lui-même devait traduire graphiquement cet objectif avec une couverture sérigraphiée et une utilisation de la typographie et de la mise en page qui vont dans ce sens.
J.L : « Duende » est inspiré par les logiciels des créatifs. Un système de cadres et de grandes lignes caractérisent sa couverture et son identité graphique. De plus, ce système est vraiment flexible. Chaque numéro a aussi une couleur différente, comme les projets et créatifs qui y figurent. Cela appui la pluridisciplinarité et la variété des styles du magazine. L’intention était de se positionner en rupture avec la sobriété et l’élégance qui caractérise La Fabrica, afin de se connecter à une audience plus jeune, plus branchée, parfois « punk ».

Quelles principales difficultés avez-vous rencontrées ?
D.R : Après avoir lu des auteurs tels qu’Adorno ou Benjamin et avoir réalisé plusieurs interviews, j’ai eu à faire face au fait que produire un magazine parmi d’autres n’avait aucun sens. Malgré tout, cela restait mon but et j’ai dû apprendre à limiter le concept et éviter qu’il ne devienne une antithèse. J’ai dû trouver un moyen de transformer ces idées en des opportunités afin de challenger les rythmes de consommation.
J.L : Développer une structure graphique flexible permettant d’expliquer chaque projet a été complexe. Prendre en compte les besoins d’une nouvelle cible tout en maintenant la demande du client réaliste le fut tout autant. Mais la principale difficulté fut de maintenir l’idée la plus motivante jusqu’au bout du projet.
+ - Commentaires 0