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vendredi 19 avril 2024
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Le trait de Thomas Rouzière

Illustrateur et auteur de bande dessinée, Thomas Rouzière développe une pratique du dessin caractérisée par un trait précis et empreint de poésie. Adepte de la pratique du croquis et de l’observation, il est un observateur attentif des paysages et des scènes de vie qui peuplent son quotidien. Ses noirs et blancs se mêlent à un travail de la couleur se distinguant par des gammes chromatiques réduites et douces. Rencontre.

Isaline Dupond Jacquemart : Quelle est votre formation et à présent vos différentes activités ?

Thomas Rouzière : J’ai étudié le dessin et le graphisme à l’EPSAA (Ecole Professionnelle Supérieure d’Arts et d’Architecture de la ville de Paris). Je travaille principalement pour la presse et l’édition, en tant qu’illustrateur. Il m’arrive également de collaborer à la scénographie d’exposition. Je pratique aussi régulièrement le dessin d’observation à l’encre noire. Je suis également auteur de bande dessinée.

IDJ : Quelles sont vos différentes inspirations ? Votre univers tisse notamment des liens avec le Japon.

TR : Je m’inspire beaucoup de ce qui m’entoure. J’aime dessiner la nature. On trouve dans mes carnets un certain nombre de paysages comme des routes de campagne, mais aussi des rivages, des forêts, des montagnes et des nuages. Selon l’attention portée aux choses, on peut réussir à dessiner ce qu’on ne voit pas. Ainsi, les pierres portent souvent la marque du temps et dessiner l’herbe permet de figurer le vent.

Je suis particulièrement inspiré par les artistes, comme Naomi Kawase, Rinko Kawauchi, Haruki Murakami, qui semblent savoir suspendre le cours du temps et introduire un soupçon de poésie ou d’étrangeté dans la peinture de la vie ordinaire, mais aussi dans la représentation de la nature. Dans le travail de Nicolas de Crécy, Emmanuel Guibert ou encore de Daisuke Igarashi, il peut être question de l’attention portée aux plus petites choses du quotidien comme aux plus grandes questions de l’existence.

Les films de la nouvelle vague japonaise, notamment de réalisateurs comme Kōji Wakamatsu, Yasuzō Masumura ou encore Yoshishige Yoshida, sont pour moi une référence esthétique importante. J’aime en extraire des séries de plans afin d’en étudier la mise en scène. Ainsi, le croquis de films, notamment en noir et blanc, est un exercice que je pratique beaucoup.

IDJ :  Vous travaillez notamment la pratique du carnet de croquis et de dessin. Est-ce une pratique quotidienne ?

TR : Je tiens un carnet de croquis comme un journal. Je dessine mon quotidien, au travail comme à l’extérieur, en promenade comme en voyage. Je collecte des notes, dessinées ou non, qui peuvent servir de point de départ à un projet ou participer à son développement. J’aime qu’on puisse trouver un caractère singulier, parfois même, introspectif à la représentation d’un paysage, d’une scène ou d’un objet. Le dessin permet d’aller chercher quelque chose qui se trouve au-delà du visible, de par la représentation qu’on fait des choses ou l’interprétation qu’on en a.

En plus de permettre l’étude d’un sujet, le carnet de croquis est aussi un laboratoire de recherche. Il m’arrive régulièrement d’expérimenter un langage graphique par le croquis avant de l’utiliser pour répondre à une commande ou développer l’approche visuelle d’une série d’illustrations plus personnelle.

IDJ : Votre trait se caractérise par un souci du détail, un sens de l’observation et un goût pour le paysage. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce souci du détail ?

TR : D’une manière générale, le détail tend d’abord à rendre crédible ce qu’on donne à voir. Il témoigne de l’attention qu’on porte à une chose et permet de raconter quelque chose en plus du sujet que l’on dessine. Dans l’illustration que j’ai réalisée pour la revue Reliefs, évoquant Vingt mille lieues sous les mers, je représente très précisément la faune et la flore sous-marines ; des espèces précises, un poisson et pas un autre, une algue et pas une autre.

Si j’ai un goût pour l’observation de scènes de la vie quotidienne, j’apprécie aussi les petites étrangetés. Ici encore, c’est peut-être le détail qui peut introduire un élément disruptif permettant de perturber une scène de la vie et conférer une atmosphère particulière à celle-ci comme raconter quelque choses que celui ou celle qui la regarde ou la traverse.

Pour moi, une image riche en détails permet de prolonger un voyage visuel et de raconter des petites histoires à l’intérieur d’une plus grande.

IDJ : Vous travaillez notamment en noir et blanc, et lorsque que vous travaillez la couleur, vous élaborez des trichromies ou des gammes de couleurs aux nuances proches.

TR : La simplicité du dessin en noir et blanc permet de se concentrer sur le trait, la question du contraste ou encore le rapport entretenu par le plein et le vide dans une illustration. Le recours à une palette réduite lors d’un travail en couleur permet de mettre l’accent sur ces notions. Tout en ayant un goût prononcé pour le détail, j’aime travailler autour de la notion de réserve et donc à fortiori avec le blanc du papier. L’importance donnée à cette absence d’encre permet d’en faire un objet graphique.

Quand je travaille en couleur, souvent, je suis à la recherche d’une tonalité ou d’une atmosphère teintant une image. Je détermine alors une ambiance à laquelle correspond une couleur. Je décline ensuite cette couleur et l’associe à une palette réduite, de manière à créer des rythmes.

IDJ : Vous travaillez notamment pour la presse, l’édition et la scénographie d’exposition Qu’est-ce que vous apporte cette diversité de commanditaires ?

TR : Je suis toujours motivé par l’idée de confronter mon univers à de nouvelles des problématiques. Cette diversité de commanditaires permet de me mettre à l’épreuve tant sur le plan technique que thématique et de me découvrir parfois les limites avant d’apprendre à les repousser. 

J’ai notamment réalisé des dessins d’outils et des portraits pour la scénographie de l’exposition l’Empreinte du Geste au Musée des Arts Décoratifs. Le studio Violaine & Jérémy m’a invité à travailler sur le projet, inspiré par mes petits croquis de parcs, croqués et ombrés sur le vif. Malgré la différence des sujets et d’usage des illustrations, à savoir de grande plaque de verre dans un musée, j’ai été encouragé à garder confiance en mon écriture visuelle issue du croquis. Cela ne diffère donc pas autant qu’on pourrait le croire d’un autre type de commande, puisqu’il s’agit avant tout de rester fidèle au sujet et de le respecter tout en y mettant de sa patte.

IDJ : Vous avez notamment travaillé pour les revues Terrain, Reliefs et XXI…, anthropologie, voyage, reportage… Pouvez-vous m’en parler ?

TR : Il s’agit de commandes qui poussent particulièrement à la documentation. Travailler ces domaines constitue une occasion d’apprendre toujours plus et d’étendre ses connaissances tout en dessinant. Très souvent, cela me permet de connaître de nouveaux univers et de m’intéresser à de nouveaux sujets.

IDJ : Quels sont vos projets à venir ?

TR : Je continue actuellement de développer une série d’illustrations originales pour la boutique parisienne “Inventaire”. Parallèlement à cela, j’élabore des récits de bande dessinée. Mais, il est encore un peu tôt pour en parler !

→ cargocollective.com/thomasrouziere

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