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jeudi 28 mars 2024
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RADDAR n°4, ou l’ambivalence du faux en design

Édité par le mudac — Musée cantonal de design et d’arts appliqués contemporains et T&P Publishing, le quatrième numéro de la revue de recherche en design Raddar porte sur la notion de “faux”. Il est dirigé par l’ingénieur, designer et docteur en design, Emile De Visscher, ainsi que par le collectif d’édition et de recherche “Les Presses Pondérées”. Au-delà d’une vision manichéenne, les différents articles présentent avant tout la capacité ambivalente du design à se situer entre le vrai et le faux, c’est-à-dire à fabuler : produire des prototypes, des plans, des essais, des images ou encore des discours…

RADDAR N°4 : authenticité et falsification dans le design

Après un troisième numéro consacré aux liens tissés entre le design et les sciences sociales, la revue Raddar éditée par le mudac — Musée cantonal de design et d’arts appliqués contemporains et T&P Publishing s’intéresse à la démarcation entre le vrai et le faux. Ce quatrième numéro, disponible à la commande ici, montre que le design est peuplé d’objets fictifs, que ce soit des projets de démonstration ou des spéculations de design fiction. Paradoxalement, ces pratiques entrent en contradiction avec des discours moralistes portés sur le design, en lien avec la vérité. Un “bon” design, semble devoir véhiculer l’authenticité. Pourtant, les designers, dans leur pratique, ne sont pas à la recherche d’une vérité, mais conçoivent des objets, des supports de communication, des expériences… Grâce à leur savoir-faire, les practicien·nes du design produisent ainsi aussi des récits, des projections, qui sont, non le résultat d’une falsifcation, mais celui d’une fabrication. Les designers créent “des artifices, qui, pour autant, ont de vrais effets sur la société […] : des manipulations authentiques  des réalités artificielles  des spéculations réalistes” affirme le collectif Les Presses Pondérées.

Concevoir du design, générer des récits ?

Raddar n°4 explore ainsi les effets, dans le réel, des techniques et artifices du design. Les designers Claire Warnier et Dries Verbruggen d’Unfold Studio interrogent le statut de la copie et de la reconstitution. Atlas of Lost Finds est, à partir de numérisations 3D, un projet de réplication d’œuvres du Musée National de Rio de Janeiro détruites dans un incendie en 2018. Loin d’être de simples copies, digitales ou matérielles, les objets reconstitués sont l’occasion d’interpréter le passé et de mobiliser un réseau d’expert·es pour explorer l’Histoire. D’une autre manière, Simone C. Niquille, Francesco Sebregondi ainsi qu’Emile De Visscher, membres de Forensic Architecture, montrent que le design peut avoir à voir avec l’histoire : celle des faits. Agence de recherche basée au Goldsmiths College de l’Université de Londres, Forensic Architecture participe à différentes enquêtes – bombardement de Rafah, mort de Zineb Redouane – et reconstitue le déroulement des événements grâce à des environnements multimédias à base de modélisations 3D (voir étapes: 266, article de Marion Bothorel). La capacité du design à bâtir des projections et des simulations est ainsi un outil au service de la construction de vérités collectives.

À quel moment le design peut-il basculer dans la manipulation dangereuse ? Cette interrogation traverse la contribution de la chercheuse indépendante Valentine Clot. Approprié par le fondateur de la scientologie L. Ron Hubbard, le principe du détecteur de mensonges, relevant au départ de science-fiction, devient un outil au service de l’enrichissement de la secte et d’endoctrinement. La vérité, comme le design, sont profondément liés à des enjeux économiques et industriels. La designer de bijoux et chercheuse Sofie Boons souligne que la distinction entre les pierres précieuses issues de l’activité minière, dites “naturelles”, et celles créées par l’humain en laboratoire, “artificielles” ou encore “synthétiques”, est aussi le produit d’un intérêt de marché.

Enfin, le dossier central du numéro de Raddar est consacré à Tobie Nathan, psychologue et spécialiste d’ethno-psychiatrie. “La chose cause et les humains produisent des objets pour incarner et se saisir de la chose” affirme-t-il. Alors, si les objets ne sont pas uniquement matière, mais aussi points de fixation de récits pris dans des systèmes sociaux, les designers peuvent être les médiateur·trices de cette rencontre. Au-delà de la vérité et de la fausseté, l’un des leitmotivs du design est ainsi celui de “produire de nouveaux êtres” précise Emile de Visscher : donner une existence aux choses et aux réalités.

Bouquet d’artifices techniques en couverture

La couverture du numéro est conçue par Juliette Gelli, Raphaël Pluvinage et Marion Pinaffo. Le trio s’inspire des codes des documents officiels, des logos et étiquettes garantes d’authenticité. Leur essai visuel se révèle par la manipulation : la couverture peut être photocopiée, explorée à la loupe, regardée en contre-jour ou encore prise en photo au flash. La conception graphique et la mise en page de l’ouvrage sont confiées à Rebecca Metzger et Pauline Piguet, d’après la maquette de Julien Mercier.

→ Commander Raddar n°4

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