Scopitone, le festival nantais dédié aux arts numériques avait lieu du 19 au 23 septembre dernier. étapes: s’y rendait afin de voir, écouter et prendre le pouls de cette ville remuée par l’art. Résumé de deux jours de pérégrinations dans un immense terrain de jeu.
C’est en arrivant à Nantes que l’on se rend compte de l’intelligence de programmer un festival d’arts numériques dans une ville au patrimoine aussi éclatant. Entre le centre ville, qui présente avec ostentation ses richesses d’antan et l’île de Nantes qui tente de réhabiliter son passé industriel, il ne manque pas de lieux spectaculaires pour faire naître l’osmose entre l’ancien et le nouveau, l’immuable du décor et l’éphémère de la situation.
Au centre de la cour du château des Ducs de Bretagne se tient le dôme qui servira de théâtre aux performances immersives proposées en collaboration avec la société des arts technologiques de Montréal. C’est dans cette confrontation que l’on se rend compte à quel point l’homme a su tirer parti de ses illusions. Le dôme a beau paraître minuscule, il est comme une boite ouverte vers une infinité de possibles. En s’allongeant en son centre on pressent immédiatement l’étrangeté des sensations qui vont naître en nous. La performance commence et les perspectives s’ouvrent. Les lignes et les formes se déplacent, ouvrant ainsi d’immenses puits sans fonds, comme des trous noir qui se dilatent et avalent la lumière. Une chorégraphie s’opère entre des lumières hystériques et une musique hachée, sensorielle, plus proche des expérimentations sonores de Squarepusher que d’une quelconque plénitude New Age. Que ce soit pour Interpolate ou Versus, les deux performances auxquelles nous avons assisté, le sentiment de perte de contrôle fut le même, jouissif et dérangeant. Les différences étaient principalement esthétiques. Interpolate se concentrait sur des formes plus diverses permettant de matérialiser le son, Versus simulait un univers de formes géométriques qui ouvrait sans cesse de nouvelles portes.
Au coeur de l’île de Nantes, terrain d’expérimentations urbanistiques de grande ampleur, se dressent les Nefs. Ces vielles halles industrielles accueillent en leur sein Stereolux, vaste complexe dédié à la musique, où avait lieu les nuits électro. Sorte de Roland Garros de la musique électronique, les têtes de série que sont Nina Kravitz, Luke Slater, Miss Kittin & The Hacker ou Max Cooper venaient se disputer la couronne. Parmi les outsiders, Kedr Livanskiy, une jeune russe de 28 ans (ça ne s’invente pas) a failli rafler la mise avec un live à peine maîtrisé mais à l’énorme supplément d’âme, apportant un peu de sincérité à un genre (la dance music) qui se cantonne bien souvent à sa stricte fonctionnalité. Mention spéciale également à Deena Abdelwahed qui utilise merveilleusement les possibilités rythmiques et les textures offertes par les musiques traditionnelles arabes en les distillant dans la musique club du futur. Le public était également au rendez-vous et les Nefs fourmillaient jusque tard dans la nuit, offrant la preuve de la vitalité de la jeunesse nantaise et de la pertinence de la programmation.
C’est au terme de ces deux jours, quand l’on ressort de ce maelström sensoriel, que l’on se rend compte que Scopitone est bien plus qu’un simple festival. La pluridisciplinarité proposée met tout nos sens en éveil et la technologie y est utilisée non pas comme une fin, mais comme une passerelle vers des zones insoupçonnées.
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