De Lille à Nantes, où il s’est récemment installé, le graphiste et enseignant Benoît Bodhuin poursuit ses travaux typographiques avec brio. Dans la continuité du Marianne et du Mineral, il signe Side A, un nouveau caractère tout aussi singulier. Élaborée à partir de fûts et de triangles, cette typographie d’inspiration bauhausienne cherche à bousculer les notions de lisibilité et de message. Son créateur a accepté de dévoiler pour étapes: quelques clés de lecture.
Pouvez-vous nous présenter Side A en quelques mots ?
C’est une typo minimale dessinée uniquement de fûts, de triangles et d’espaces – en rapport avec la largeur du fût. Elle est déclinée en 3 variables de fûts : largeur ×1, ×2 et ×3, Side A unit, half et third, correspondant à 3 utilisations idéales (Side A half dans un un corp 1/2 de Side A unit est 2 fois moins haut mais ses fûts et espaces sont égaux, de même pour side A third au 1/3).
Comment est venue l’idée de créer cette typo ?
Elle est dessinée pour correspondre à des sons électroniques, bruts et mécaniques. Mais je laisse cette idée dans un coin de ma tête et l’oublie même au moment de la création pour me garder la liberté de rebondir en fonction de l’évolution du projet. Ce qui a primé ici est la simplicité et la brutalité de la lettre au mépris de formes trop sophistiquées, raffinées et parfois plus lisibles.
Quelles influences se cachent derrière ce caractère ?
Il y a bien sûr l’idée du Bauhaus pas loin, mais c’est surtout une réponse au Mineral pour lequel le travail sur la lisibilité avait empêché cette radicalité.
Une nouvelle fois Side A est un caractère singulier qui se démarque à l’instar du Marianne ou du Minéral. Quelle est votre approche de la conception typographique et quel est votre point de départ à la création d’un nouveau caractère ?
J’aime la singularité, les petits défauts qui accrochent et donnent de la personnalité. Mon approche est celle d’un graphiste, j’utilise la création de caractères comme un outil pour graphistes, je ne me pose pas les mêmes problématiques qu’un designer de caractères (encombrement, lisibilité…) mais plutôt des questions d’expressivité, de rythme… C’est une opposition un peu caricaturale, mais je pense que l’ordre de mes priorités est différent — et ça se voit.
Side A a été utilisé sur des affiches. Pouvez-vous nous parler de cette application ? Et pour quelles autres utilisations vous pensez le caractère compatible ?
Air poster est une invitation qui est tombée au moment où je finissais Side A, j’ai profité de cette occasion pour réaliser 4 posters spécimen. L’un d’eux explique le rapport entre les 3 variables de side A avec comme unique moyen le graphisme (trames, couleurs, proportions) : un spécimen sans la typo.
Les possibilités d’utilisation d’une telle police sont infinies : il suffit d’un bon graphiste pas trop frileux, de son commanditaire pas trop frileux et de l’envie de l’utiliser. On peut distinguer 2 grandes familles de caractères : se lisant par habitude et demandant un effort. Les caractères appartenant à cette 2e catégorie ont un bel avenir de lutte contre l’invisibilité du message — une lutte par l’absurde, rendre un texte plus visible en utilisant une écriture moins lisible. Side A est utile pour tous les textes et mots que le quotidien a usés, effacés (ou les textes n’ayant aucun intérêt). Rédigeons par exemple les contrats d’assurance avec Side A, ceux-ci resteront lisibles et forceront la concentration.
Ou tout simplement l’utiliser pour son expression.
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