Pour célébrer avec eux le premier anniversaire de leur studio AAAAA, nous avons interrogé les graphistes Marie Sourd et Léopold Roux sur leur travail et leurs productions graphiques riches et variées.
Comment s’est formé AAAAA ?
Nous nous sommes rencontrés chez les Associés réunis en 2011, où Marie travaillait en freelance et Léopold était en stage. Nous nous sommes liés d’amitié et avons commencé à bosser sur des pochettes d’albums — essentiellement pour des groupes de black métal — sous le nom d’Abrakadabra. Puis de fil en aiguille et après quelques collaborations, nous avons décidé de créer un atelier de graphisme qui nous ressemblerait vraiment, mêlant nos travaux “pro” avec les plus rock’n’roll. On a donc décidé de trouver un nom plus “sérieux”, nous avons tout simplement gardé les cinq A d’ AbrAkAdAbrA. Et oui, nous avons un petit faible pour l’andouillette.
Vos productions vont de l’illustration au web. Comment vous répartissez-vous le travail ? Est-ce que tout est réalisé à quatre mains ?
Certes, nous ne dessinons pas à quatre mains, le dessin, c’est plus le talent de Marie. Mais nous pensons à deux têtes : il n’y a pas un projet qui ne soit pas empreint de la patte de l’autre. Il est rare que nous partions sur des pistes différentes pour ensuite les confronter. A chaque nouveau projet, on passe une soirée autour d’un verre, on en discute jusqu’à plus soif, puis on se met d’accord sur une idée. Le lendemain on s’y essaie chacun de notre côté, on regarde ce que l’autre a fait, puis on échange nos fichiers. Souvent on finit à deux sur le même écran puis on regarde le résultat et on se dit : “ah tiens, tout seul j’aurais jamais fait ça, c’est cool !”. C’est une sorte de jeux de ping-pong, le regard de l’autre est très important, il permet de se faire un peu violence et de ne pas s’accrocher à des idées qui ne fonctionnent pas. En 1 an d’activité on pense avoir trouvé une forme d’équilibre entre nos deux univers pour en créer un troisième. Depuis peu, on collabore occasionnellement avec Jeremy Landes, graphiste typographe et activiste de la fonderie VTF. On dirait qu’il nous supporte bien, il n’aime pas toujours notre musique mais nous avons d’autres points communs !
Vous avez réalisé plusieurs projets d’éditions, notamment chez 10/18, éditeur poche, que signifie le choix d’investir ce champ et ce format?
Nous partageons tous deux cet amour de l’objet imprimé, d’où le choix de se diriger vers l’édition. Pour ce qui est du poche, il y a un véritable combat à mener dans ce secteur pour revaloriser l’objet. C’est un produit de grande consommation et ça n’est donc pas toujours facile de déroger au budget et à la loi du “marketing”, pour amener une fabrication un peu plus qualitative que ce qui se fait habituellement. Nous jouons donc sur l’illustration en essayant de privilégier le côté manuel face à l’uniformisation générale dans ce domaine où la création de couverture se résume surtout à piocher dans les banques d’images. C’est vrai que le savoir-faire dans le domaine du livre tend à se perdre, et c’est vraiment triste, car faire un objet original et de qualité n’est pas forcément une question de budget. Heureusement, nous travaillons avec des éditeurs qui nous font de plus en plus confiance, et qui nous laissent régulièrement carte blanche pour créer des éditions spéciales où l’on peut se faire plaisir avec maquette de qualité et en jouant avec la fab. Il nous semble important de ramener ces valeurs dans l’édition et pas forcement que pour le “beau livre”. Aujourd’hui nous travaillons principalement avec les éditions Stock avec qui nous avons de très bonnes relations et chez qui nous venons de créer une nouvelle collection dont nous avons hâte qu’elle sorte!
D’où vient l’importance du domaine musical dans votre travail ?
On a beaucoup d’amis musiciens et nous le sommes nous-mêmes un peu, Marie chante dans un groupe de stoner et Léo a un petit passé juvénile dans le black métal. La pochette de disque c’est un peu notre péché mignon, c’est ce qui nous a donné l’envie d’être graphistes ! Tant que le vinyle existera, on continua à en faire. C’est génial de rencontrer des artistes, de rendre visible leur univers. Chaque style de musique a ses codes, mais on peut facilement les contourner, et c’est le jeu aussi, on essaye toujours de pousser les groupes à aller plus loin dans ce qu’ils avaient imaginé. AAAAAh si on pouvait vivre de ça, on passerait nos journées à dessiner et nos nuits dans les concerts. Remarquez, on le fait quand même, sauf qu’on est fauché.
Vos productions révèlent un style assez éclectique, avec des constantes telles que les couleurs vives et des références vintage. Quelles sont vos principales sources d’inspiration?
Nous on appelle ça le “rétro-futurisme”. Au final nous piochons rarement nos inspirations dans le graphisme. Le graphisme qui parle aux graphistes, c’est pas trop notre truc. On pioche plutôt dans les vieilles pochettes de disque, bouquins, affiches, enseignes… on est aussi très fascinés par l’art brut (il faut aller voir les expos de la Halle Saint-Pierre, en plus leur librairie est bien fournie). Il y a aussi toute la culture de l’affiche rock DIY des années 70 à nos jours, ou encore ce que l’on appelle le “dessin contemporain” (une espèce de nom fourre-tout pour dire que ce n’est pas de l’art mais que ça mériterait d’en être).
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